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De la galerie Liane et Danny Trahan à la galerie SBC art contemporain

             

 

            À la demande de l’association des centres communautaires juifs de Montréal (YM-YWHA), l’architecte Phyllis Lambert conçoit le centre Saidye Bronfman au milieu des années 1960. Réunissant une salle de théâtre, une galerie et une école des beaux-arts, l’institution ouvre ses portes en 1967. Pendant quarante ans, elle rallie exceptionnellement toutes les disciplines artistiques, ainsi que les communautés culturelles de Montréal. La galerie — renommée Liane et Danny Trahan en 2001 — acquiert une réputation appréciable à l’échelle du pays. Avec son statut de musée et ses subventions de tous les paliers de gouvernement, elle semble d’abord immuable. Or en 2007, la donne change lorsque le conseil d’administration du YM-YWHA annonce sa fermeture et décide de modifier le mandat du centre au profit des arts de la scène tout en transformant radicalement l’intérieur de l’immeuble (le Segal Center for Performing Arts at the Saidye ouvre ses portes en 2008). Elle cesse officiellement ses activités le 1er juillet 2007, à la fin de l’exposition Comic Craze. Certains individus se mobilisent alors afin d’assurer sa pérennité au-delà de ce désengagement. Bien qu’elle ne se trouve plus sous le giron du centre Bronfman, la présente institution hérite du fonds d’archives afférent à l’ancienne galerie et évoque cette filiation en conservant l’acronyme SBC. Outre un premier inventaire sommaire, ce corpus n’a jamais été dépouillé. La recherche effectuée pour produire le présent site représente donc une première tentative, nécessairement lacunaire, d’inscrire cette mémoire institutionnelle dans la virtualité qu’offre le nouveau lieu.

 

            Contrairement aux musées acquérant du capital symbolique et économique avec leur collection, la galerie du centre Saidye Bronfman — pensée selon le modèle de la « kunsthalle » — compte uniquement sur des œuvres empruntées ou créées in situ pour concevoir ses expositions. Celles-ci sont ensuite vouées à se décomposer en chacune de leur partie et l’espace redevient une table rase. Il ne reste plus que les catalogues et les archives pour attester cette succession d’événements. Ce statut de la galerie comme site de mises en scène éphémères explique en partie pourquoi le commissariat s’y développe d’une façon exceptionnelle. Depuis ses débuts, l’institution confie à son directeur la responsabilité d’établir les grandes lignes de la programmation. Par ailleurs, elle devient également un banc d’essai pour plusieurs jeunes commissaires indépendants. 

 

         Les expositions disposent d’un contenu explicite, directement perceptible, et d’une autre part latente se rapportant à l’ensemble des codes et convenances sociales en vigueur lorsqu’elles sont produites. Cette dimension se révèle dans leur mise en discours au sein de l’architecture[1].

 

        Fondée dans la perspective de démocratiser l’art d’après une tradition héritée des Lumières, la galerie du centre doit graduellement s’adapter aux pratiques artistiques se revendiquant de l’hybridité formelle et des discours postmodernes. Un écart existe donc entre cette série de transgressions que représentent peu à peu les œuvres à partir de la fin des années 1970 et l’enceinte de la galerie conçue par Phyllis Lambert au milieu des années 1960. L’immeuble du centre s’inspire des œuvres minimalistes de Ludwig Mies van der Rohe. Son volume clair — libre de colonnes, cloisons et éléments décoratifs — permet d’abord d’inscrire les propositions picturales et sculpturales à même le paradigme de la spécificité des médiums (les tableaux sur les cimaises, les sculptures sur les socles). Bien que l’éclairage naturel soit favorisé grâce aux grandes fenêtres, des rideaux peuvent bloquer ponctuellement les rayons du soleil. Jusqu’à la fin des années 1970, les cimaises en bois suspendues s’intègrent parfaitement au programme architectural en évoquant d’autres caractéristiques du lieu, tels les murs latéraux également recouverts de boiseries. Ces éléments deviennent une contrainte lorsque les pratiques artistiques ont à se déployer dans un cadre véritablement neutre. Les cimaises sont alors abandonnées au profit de parois en gypse à géométrie variable reproduisant le cube blanc générique des musées. Les nouveaux médias occupent une place secondaire dans la programmation de la galerie. À partir du milieu des années 1990, la prolifération d’installations vidéo nécessite cependant la construction ponctuelle d’un cube noir.

 

            Depuis sa création en 1967, la galerie du centre a produit plusieurs centaines d’expositions et chacune d’entre elles génère une quantité relativement importante d’épreuves photographiques ou de diapositives documentant la mise en espace des œuvres. Vidées de présence humaine à quelques exceptions près, ces images resituent l’événement de l’exposition depuis le point de vue d’un spectateur abstrait et en retrait. Lorsqu’on les compare, elles représentent invariablement le même cadre où fluctuent la configuration d’objets et certains dispositifs muséologiques (cimaises, socles, éclairage). Au sein des catalogues, elles étayent le propos des commissaires ou des auteurs invités. Ces images sont également reproduites pour illustrer des articles de presse. À la fin de ce processus, elles échouent dans les archives et n’y ressortent qu’en de rares occasions.

 

            Ce projet expose et commente un corpus de ces photographies couvrant trois décennies d’histoire de la galerie. Plusieurs lacunes sont cependant apparues lors du dépouillement du fonds. Bien que l’institution amorce ses activités en 1967, il n’existe pas de dossiers d’exposition antérieurs à 1972. De plus, des périodes importantes (principalement les années 1970, ainsi que la dernière portion des années 1980 et 1990) comportent peu de documents visuels. La périodisation préconisée ici correspond approximativement à la durée des contrats de chacun des commissaires ayant occupé le poste de directeur (George Dyens, c.1969-1979; Peter Krausz, 1980-1992; Régine Basha, 1992-1995, David Liss, 1995-1999, Sylvie Gilbert, 2000-2003, Renée Baert,  2005-2007).

             

 

 

 

[1] À ce sujet, voir Mary Anne Staniszewski, The Power of Display: A History of Exhibition Installations at the Museum of Modern Art, Cambridge; London, The MIT Press, 1998.

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