LES ANNÉES 1980
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Au début des années 1980, Peter Krausz remplace George Dyens à titre de directeur de la galerie. Ses choix de commissariat reflètent les courants de l’art contemporain marqués par le retour de la figuration et des médiums traditionnels (peinture, sculpture). La galerie se tient à l’écart des pratiques expérimentales diffusées par d’autres institutions montréalaises (centres d’artistes et Musée d’art contemporain). La vidéo et la performance y occupent ainsi une place marginale.
Les photographies d’installation de la décennie 1980 signalent une non-coïncidence du programme architectural de la galerie avec la logique spatiale des œuvres exposées. Les dispositifs d’accrochage conçus dans les années 1960 siéent mal à certaines propositions hybrides, entre l’installation et la nouvelle peinture. On abandonne alors les cimaises en bois pour leur substituer des parois construites sur mesure selon les paramètres muséographiques de chacune des expositions. En 1982, la présentation du travail pictural d’Agnès Martin[1] fait exception par un jeu de résonance subtil entre l’enceinte moderniste de la galerie et les lignes horizontales — quasi imperceptibles — des tableaux monochromes de l’artiste.
Avec comme précédent l’exposition Redécouverte du dessin (1974), Krausz amorce un cycle d’expositions sur ce médium couvrant toute la décennie[2]. Plusieurs manifestations soulignent également l’importance de la photographie dans la pratique de nombreux artistes connus pour utiliser d’autres modes d’expression[3].
Dans le cycle consacré au dessin, l’exposition Drawing=installation=dessin (1984), organisée par Diana Nemiroff, sort du lot en explorant le couplage du médium avec l’idiome déjà hybride de l’installation. Nemiroff dispose les œuvres sous forme d’îlots pour encourager la déambulation du spectateur selon un parcours non linéaire. Il s’agit d’une solution médiane entre l’accrochage paradigmatique moderniste, pensé lors de la conception du centre, et le rectangle à géométrie variable qui s’impose vers la fin de la décennie. Les artistes sélectionnés façonnent alors des scénographies allégoriques transformant les paramètres architecturaux de la galerie. Jocelyne Alloucherie et Sylvie Bouchard conçoivent ainsi des « cimaises-tableaux » jouant avec les effets de trompe-l'œil théâtraux. Elizabeth Mackenzie et Robert McNealy, quant à eux, dessinent directement sur les murs en jouxtant quelquefois des configurations d’objets à leurs interventions bidimensionnelles.
D’autres modes de présentation d’œuvres picturales seront préconisés au cours des années 1980. En 1985, la commissaire Katya Arnold organise East village at the Centre autour du travail d’artistes représentés par les galeries de ce quartier new-yorkais. À l’instar du projet de Nemiroff, l’espace de la galerie est saturé de propositions picturales hybrides empiétant souvent sur l’espace tridimensionnel. Par contre, le lieu prend cette fois des allures de foire commerciale avec des cubicules impartis à chacune des galeries. La même année, Zilon anime une manifestation de peinture en direct probablement programmée dans l’interstice séparant deux expositions. Popularisée par le bar montréalais Les Foufounes Électriques, l’activité est transposée au sein de la galerie comme cadre d’une rencontre entre représentants de diverses communautés fréquentant habituellement le centre et les membres du milieu de l’art « underground ».
Lors de cette décennie, peu d’expositions articulent un discours réflexif sur leurs conditions de réception. Komar and Melamid: Stalin and the Muses (1984) fait exception. Elle rassemble des tableaux du duo russe de la post avant-garde jouant à parodier le style officiel des portraits de Lénine, ainsi que le réalisme soviétique, pour déconstruire les codes de la représentation. L’accrochage muséologique des œuvres pointe vers la facticité des récits transmis par le parti communiste tout en dénonçant d’une façon indirecte le retour de la peinture expressionniste. Or, la programmation de la galerie peut alors facilement passer de cette prise de position du duo russe, se déployant sur un ton ironique, à l’exposition L’homme au repos (1985) où la « kunsthalle » moderniste se transforme temporairement en musée ethnographique.
En 1987, la galerie organise une exposition des travaux récents de Bill Vazan intitulée Landschemes and Waterscapes. Par contraste avec son intervention au sol lors de 45’30’North-73’36’West (1971), ses dessins monumentaux et ses sculptures inspirées du land art établissent désormais une relation plus poétique que logique avec le site. Le changement opéré dans la production de cet artiste métaphorise des modes d’appropriation de l’espace diamétralement opposés. Ce changement est pourtant rendu manifeste en un même lieu, dans un laps de temps relativement court.